Le
dragon qui voulait
entrer au paradis
Ecoutez
cette histoire, ô charmants auditeurs, je pense qu'elle vous plaira. Dans une
forêt non loin de Manderen vivait un dragon. Cette bête vieille de plusieur
milliers d'années vint à mourir. Cela arrive. Un démon qui passait par là vit
l'âme du dragon errer.Tout content, le diablotin s'en empara et la conduisit
à Satan. Le Malin qui voulait se distraire des mauvaises actions du dragon lui
dit :
-Eh, toi, là-bas, ouais, toi le dragon de Manderen, approche un peu et raconte-nous
tes forfaits qu'on rigole un peu.
-Qui ?... Que ?... Quoi ? béguéya le dragon millénaire.
-Fais pas l'imbécile ou le timide ! Ici, on n'est pas au théâtre ! Raconte-nous
un peu les dégâts qu't'as causé du côté de Manderen en trois à quatre mille
ans.
-Mais ça va pas, y'a erreur de casting ! hurla le dragon. Je suis
un bon dragon.
-Arrête de faire le malin avec le Malin ! Tu veux peut-être voir comment
on se chauffe ici en Enfer ! Allez fais un effort, raconte-nous une seule mauvaise
action et tu auras droit à être chauffé gratis toute ta vie!
-Mais j'vous dis qu'jai rien fait de mal à part...
-A part ? l'interrompit Lucifer impatient.
-J'ai été un bon dragon...
-Voilà qu'il nous conjugue « être un bon dragon » au passé composé.
On aura tout vu ! Les faits... les faits.
-J'ai été un bon dragon...
-On le sait !
-J'ai été un bon dragon mais... j'étais un dragon dragueur !
-Ah ? Et ça consiste en quoi ?
-Eh bien, comme un dragon dragueur, j'ai aimé beaucoup
de dragonnes.
-Quoi ? Quoi ? Quoi ? Vade Retro Paradisio qui a osé employer le verbe AIMER.
Hors de ma vue, sale bête, suppôt de Dieu ! Va au paradis !!!
Le dragon sortit de l'enfer en courant, il sauta de nuage en nuage et s'arrêta
devant le paradis. St Pierre lui barra le chemin et lui dit :
-Eh, serviteur de l'enfer, descendant de serpent, es-tu bien certain d'avoir
pris la bonne route qui mène aux enfers?
-Ô, bonjour très St Pierre, porteur des clefs, penses-tu que j'aurais subi
une erreur d'aiguillage ?
-Ne fais pas le malin avec moi en répondant par une question à ma question,
espèce de sale bête ailée, descendant du Reptile tentateur. Ici c'est le Paradis
et il n'est pas pour tout le monde. Ce n'est pas Terminus tout le monde descend
; tu vas me faire le plaisir de repartir par où tu es venu.
-Ah, non ! St Pierre, n'aurais-tu pas un coeur de pierre ?
-Arrête, celle-là, on me l'a déjà faite !
-Grand St Pierre, beau St Pierre, il m'est impossible de retourner d'où je
viens.
-Et pourquoi beau parleur de dragon ?
-St Pierre, O premier Pape, j'ai été viré des Enfers par Satan, en personne
!
-Serpent cracheur de feu, qu'as tu fait pour être renvoyé des Enfers ?
-J'ai prononcé le seul mot qui donne de l'urticaire au Diable : le verbe
AIMER
-Bon, bon, je vois. Bon, bon. L'affaire est sérieuse. Il faut en référer
en plus haut lieu.
St Pierre partit en murmurant et en répétant :
- Un dragon, au Paradis, ça c'est pas possible ! On aura tout vu.
Un ange arriva avec une belle âme. Le dragon attendait toujours.
- Eh, bel ange ailé, peux-tu me conduire au coeur du Paradis ? St Pierre
m'a accueilli mais il a dû m'oublier dans la salle d'attente. Peut être que
c'est l'heure de sa pause repas ! Peux-tu me dire qui tu es ?
- Je suis un nouvel ange et dans ma brève carrière je n'ai jamais encore
vu une personne comme vous.
- Cela ne m'étonne pas. Je suis une espèce très rare et en voie de disparition.
- Ah bon ! Alors vous devez être protégé si vous êtes rare !
- Et comment bel angelot ! Bien sûr que je suis protégé, enfin que je DOIS être
protégé.
- Mais à quelle espèce appartenez-vous ?
- J'appartiens à l'espèce des dragonus Baratinus.
- Oh, en plus vous parlez latin, il me semble. Je n'ai jamais appris cette langue.
Voilà une langue que j'aimerais apprendre.
- Tu sais, Minus Angelus, si je reste au paradis, je te promets de t'enseigner
cette belle langue.
- Mais pourquoi ne resteriez vous pas au Paradis ?
- J'ai l'impression qu'ici je ne suis pas en odeur de sainteté.
- C'est vrai que question odeur, vous dégagez un truc assez fort et assez indéfinissable.
- Comment, Minus Angelus, tu ne sais pas que c'est le dernier parfum à la mode
«Brise de Dragonus»
- Ah bon ! Mais puis-je me permettre de vous demander pourquoi votre peau
est ainsi craquelée ?
- Eh bien, Stupidus Angelus, c'est parce que tel un forgeron, je travaille avec
le feu, je joue même avec le feu et je n'ai pas eu le temps de mettre de la
crème hydratante. De plus, des pots de une tonne, cela n'existe pas encore sur
le marché.
- Ô Dragonus Baratinus, je vois que tu as de belles ailes comme...
- Comme celles des anges ! Exact, Naïvus Angelus. Tu as tout compris. Toi et
moi, nous descendons de la même branche ailée. Je suis un de tes ancêtres et
...
- Et... et (Dieu arriva et poursuivit) ainsi, c'est toi qui perturbe le Paradis.
St Pierre m'as mis au courant et je viens d'entendre tous tes propos. N'as-tu
pas honte de toutes les bêtises que tu viens de dire à ce naïf ange ? Alors
comme cela, on veut rester au Paradis ? Ces derniers temps, j'ai eu une arrivée
massive de bonnes âmes et il n'y a plus beaucoup de places.
- Je me ferai tout petit.
- Avant d'entrer au Paradis, il faut avoir mené une bonne vie. Qu'as-tu à dire
de la tienne?
- J'ai réchauffé des pauvres qui n'avaient plus de bois en faisant jaillir un
feu continu de ma gueule.
- Bon !
- J'ai aidé une communauté de moines à défricher la forêt en l'incendiant.
- Bon, bon !
- J'ai rabattu du gibier tout cuit sur un village dont les habitants mouraient
de faim.
- Bon, bon, bon ! Mais tu as brûlé aussi trois chaumières.
- Oh la, la ! Là c'était à mes premiers débuts. J'étais tout feu, tout flamme
et je ne savais pas régler le débit des flammes.
- Bon, passons ! Et cette histoire de Dragonus Baratinus ?
- Comme vous le savez, j'ai un tempérament de feu, aussi dès que je rencontrais
une dragonne, je lui contais fleurette espérant rencontrer le grand amour.
- Et cette histoire de latin ?
- C'est plûtot du latin de cuisine, latin que j'ai glâné ici et là. J'ai
eu du mérite, car peu d'humains supportaient ma vue. Et puis, j'ai contribué
à l'art.
- Dragonus Baratinus, est-ce du lard ou du cochon, ce que tu me racontes ?
- Dieu, regarde la cathédrale de Metz, ne vois-tu pas aux angles, des têtes
hideuses et repoussantes ?
- Oui
- Eh bien, c'est moi qui ai inspiré l'artiste ! Chapeau n'est-ce pas pour toutes
les gargouilles.
- Bon, tu as ô Dragonus Baratinus, prononcé trois mots clefs qui t'ouvrent les
portes du Paradis : Aider, Amour et Art.
- Eh, Dragonus Baratinus, tu m'apprendras le latin ?
- T'inquiète Maximus !
Ainsi, moi, jongleur de mon état, termine ce fabliau du dragon qui voulait entrer
au Paradis et qui plaida si bien qu'il y accéda.
D'après
la classe de 5°3
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